Le Temps des Mots par Jean-Michel Pellenc

Le Temps des Mots par Jean-Michel Pellenc

La Sorcière

Me voici devant vous, moi, Hellawes, car vous m’accusez d’avoir pactisé avec le Diable. Sorcière ! C’est là l’ignoble titre qu’il me faut porter pour avoir eu l’audace d’étudier les sciences interdites ? Pour avoir osé vivre en femme libre, insoumise à toute forme d’autorité ?

Ces pauvres gens, je ne les blâme pas, mais plutôt je les plains. Ne sachant pas même lire, écartés de toute source de connaissance, maintenus dans l’ignorance afin qu’il ne leur vienne pas l’idée de remettre en cause l’ordre établi par vous, seigneurs de guerres et hommes d’église. Vous qui vous prétendez hommes de foi et qui ne reculez devant nul blasphème. Vous vous prélassez dans le luxe et le stupre tandis que la plèbe se meurt de faim dans la fange. Et c’est moi qui serais diabolique ? Une catin, concubine de Satan et ses esprits maléfiques ?

Pourtant votre réprouvée a servi plus d’une fois les gens du peuple et les puissants. Combien sont venus frapper à ma porte pour réclamer humblement quelques potions, baumes ou concoctions salvatrices ; pour me demander, emplis d’affreux doutes et de désespoir, de consulter les astres ; d’intercéder en leur faveur auprès des forces occultes ; pour les aider à communiquer avec les âmes de leurs parents défunts ?

Et aujourd’hui, vous m’accusez d’être une empoisonneuse ? Une jeteuse de sorts ? Une hérétique ? Je comparais devant vous pour jouer le dernier acte de cette farce tragique ?

Peu m’importe à présent ! L’homme que j’aime ne m’aime pas. Il ne m’aimera jamais, il me l’a dit. Jugez vous-même de la puissance de mes charmes, philtres, sortilèges et autres pouvoirs magiques prétendument si dangereux.

Messieurs Les Juges, Messieurs les Gardiens du Temple et de la Morale publique, bannissez-moi, condamnez-moi au bûcher si ça vous chante, aucune souffrance n’égalera celle d’avoir été rejetée, mon âme est sauve de se savoir éloignée de votre purgatoire infâme, de cet enfer terrestre pavé de cynisme et d’hypocrites compromissions.

Mais comment ? Voilà que vous tremblez ? Quel effroi retient votre bras ? Ce tribunal n’aurait plus la faveur accordée aux représentants de droit divin ? Je savais cette assemblée composée de lâches. Faut-il à présent que ce soit moi qui vous donne le courage d’exécuter une sentence qui vous avilit ? Devrais-je moi-même me jeter dans les flammes du brasier pour que votre justice soit enfin rendue ?

Brûlez-moi qu’on en finisse, et soyez maudits !

 

Jean-Michel Pellenc, le 6 décembre 2014



25/02/2015
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