Le Temps des Mots par Jean-Michel Pellenc

Le Temps des Mots par Jean-Michel Pellenc

Pourquoi (et comment) j’ai éteint ma télévision

Je ne me souviens plus exactement comment ça s’est passé. Mais une chose est certaine : lorsque, aujourd’hui, j’entends parler dans les conversations autour de moi d’émissions de « télé-crochet » comme The Voice ou Danse avec les stars, des nouveaux candidats de L’amour est dans le pré, ou encore de l’une de ces séries appelées « feel good » parce qu’elles évitent soigneusement de parler de tout problème réel de la vraie vie comme le chômage de masse, l’évasion fiscale (de masse elle aussi, il faut croire), le réchauffement climatique (du réchauffé malheureusement… de là à dire que les carottes sont cuites…) la guerre (partout dans le monde, bientôt en Europe ?)… j’éprouve au fond de moi une sorte de douce euphorie, de jubilation intérieure, car je me sens plus léger, plus libre, depuis que je n’ai plus la tété. Un peu comme un ex-fumeur qui regarde avec amusement ses congénères affronter la pluie et le froid pour quelques bouffées de fumées toxiques. Libre de passer à côté des dernières trouvailles de la télé poubelle, la soi-disant télé-réalité (un documentaire, même à charge, ne donne-t-il pas une image plus fidèle de la réalité du monde actuel que des candidats sélectionnés, « castés », pour produire du buzz, et ainsi mieux vendre l’espace réservé aux publicités ?), d’échapper au recyclage des mêmes séquences de zapping en zapping, d’une chaîne à l’autre. Plus libre, sans mes chaînes. Plus léger aussi, car non soumis au défilé anxiogène des news calibrées pour la télé, avec leurs images chocs qui tournent en boucle et si peu de mots pour les comprendre, pour expliquer, pour donner un sens possible aux évènements, pour analyser et, ce faisant, passer de l’émotion à la réflexion critique. 

Depuis fin 2011, je n’ai plus de télévision. Enfin, elle est bien là, la télé, comme chez tout le monde, trônant dans le salon en face du canapé, mais depuis 4 ans que je ne l’allume plus, sauf pour regarder un dvd quand j’en ai envie, ou mettre un dessin animé à mon fils (je ne suis tout de même pas un intégriste), elle prend nettement moins de place.

Je dois bien l’admettre : au début, si j’ai appris à m’en passer, c’est plus pour des raisons techniques que par choix intellectuel. L’installation ne fonctionnait pas. Je ne pouvais pas « passer au numérique ». Ni l’antenne portable, ni ma box ne consentaient à capter les précieux signaux codés en langage binaire. Il me fallait, au moins temporairement, renoncer… me résigner au sevrage. C’est alors qu’une décision qui pouvait sembler anodine joua en ma faveur : au lieu de persévérer pour pouvoir allumer la télévision, aussitôt rentré du travail, j’ai commencé à chercher – et à trouver – des solutions pour la remplacer.

Et, au fil du temps, j’en ai trouvé des dizaines, comme par enchantement :  me laisser aller à la rêverie en écoutant de la musique, faire un peu d’exercice physique (toujours en écoutant de la musique), lire la presse, des magazines (j’ai 3 abonnements aujourd’hui), des livres ! Téléphoner à mes amis, apprendre le dessin, réfléchir à tout, et à rien, trier mes photos, écouter la radio, écrire, far niente… Toutes ces choses que je voulais faire depuis si longtemps, mais pour lesquelles je n’avais « jamais le temps ».

Réfléchissez-y ! 2 à 3 heures par jour sur un écran, c’est 2 à 3 heures que vous pourriez consacrer pour vous, autrement.

Je me rappelle la dernière fois que j’ai regardé la télé. C’était au jour de l’an, chez mes grands-parents. Comme toujours, plusieurs chaînes proposaient une compilation d’images censées faire rire petits et grands. Devant la télé, presque personne ne riait. On tuait le temps (la vie n’est-elle pas assez courte ?). En partant, je me souviens que je me suis senti légèrement écœuré, comme quand on tire une taffe après des mois sans clope. Comme après une cigarette, je me suis dit que j’avais perdu une heure de ma vie. Mais tout ça c’est fini…

Aujourd’hui, je me sens bien !

Evidemment comme pour tout changement d’habitude, au début, c’est loin d’être facile ! Mais si grâce à mon article, vous vous demandez si finalement ce changement ne serait pas fait pour vous, si vous ne pourriez pas nourrir votre esprit autrement qu’en le poussant chaque jour à l’indigestion, c’est que vous avez déjà fait le premier pas. Ne désespérez pas, dîtes vous que ce n’est pas grave si vous craquez et que vous zappez fébrilement sur Joséphine, ange gardien. Comme pour la cigarette, c’est à force d’essayer que l’on se rapproche de la victoire. Alors, qui sait, ce sera peut-être pour la prochaine fois ? Vous me raconterez !

 

Jean-Michel Pellenc, le 11 février 2015



12/02/2015
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